Depuis l’entrée en vigueur du décret n°2018-1126 du 11 décembre 2018, le juge autorisant des saisies-contrefaçons peut ordonner d’office le placement sous séquestre provisoire des pièces demandées afin d’assurer la protection des secrets d’affaires qu’elles peuvent contenir.

Le sort des pièces appréhendées lors de la saisie-contrefaçon dépend ensuite de la saisie ou non du juge d’une demande de modification ou de rétractation de son ordonnance dans le mois suivant la saisie-contrefaçon.

Ainsi, si le juge n’est pas saisi d’une demande de modification ou de rétractation de son ordonnance, la mesure de séquestre provisoire est levée et les pièces sont transmises au saisissant. Si le juge en revanche est saisi d’une telle demande, il statuera sur la levée totale ou partielle du séquestre sur la base de pièces remises par le saisi (version confidentielle intégrale, version non confidentielle ou résumé, mémoire précisant, pour chaque partie du document, les raisons pour lesquelles la confidentialité doit être assurée).

Le 1er février 2023, un arrêt important rendu par la Cour de Cassation vient préciser cette procédure : le juge, statuant sur une demande de saisie-contrefaçon, ne peut que recourir, au besoin d’office, à la procédure spéciale de placement sous séquestre provisoire.

L’affaire ayant conduit à cet arrêt impliquait la société Laboratoire Vivacy et la société Teoxane, cette dernière considérant que la composition commercialisée par Vivacy mettait en œuvre son brevet européen EP3049091.

Sur ordonnances obtenues sur requête l’autorisant à procéder à des opérations de saisie-contrefaçon, et notamment la saisie réelle ou par voie de photocopie ou de photographie de documents « sous réserve de placement sous scellés en cas d’atteinte au secret des affaires », la société Teoxane a fait procédé aux opérations de saisie-contrefaçon, incluant des documents sous scellés.

Suite aux opérations de saisie, la société Vivacy a engagé une procédure en référé rétractation afin d’obtenir la rétractation des ordonnances au motif notamment qu’une protection du secret des affaires ne pouvait être obtenue par placement sous scellés, seul le placement sous séquestre provisoire étant prévu par les textes législatifs.

La société Vivacy a vu cependant sa demande rejetée par le Juge des requêtes puis par la Cour d’appel au motif que les textes législatifs donnent au juge la possibilité et non l’obligation d’ordonner un placement sous séquestre et par conséquent que cela n’exclut pas la possibilité de recourir à une autre procédure afin d’assurer la protection du secret des affaires.

La société Vivacy a formé un pourvoi en cassation qui a donné lieu à l’arrêt de la Cour de Cassation, celle-ci ayant conclu que si le recours à la procédure de placement sous séquestre provisoire est effectivement facultatif pour le juge, celui-ci ne peut en revanche, afin d’assurer la protection du secret des affaires, recourir à une autre procédure que celle légalement prévue.

Le point à retenir est donc que le placement sous séquestre est une mesure facultative, mais que c’est la seule mesure pouvant être prononcée pour garantir le secret des affaires du saisi.

Épilogue de l’affaire : la Cour de cassation a donc conclu dans le sens de la société Vivacy. Malheureusement pour cette dernière, elle a également ordonné la levée des scellés et la remise des pièces à la société Teoxane, la condition pour bénéficier du secret des affaires, à savoir le placement sous séquestre provisoire, n’étant pas remplie.

Maryse DULOUT