Un principe intangible : le préjudice lié à l’utilisation illicite de l’image

 

Toute personne bénéficie naturellement des mêmes droits que les personnes célèbres : droit au respect de leur vie privée et droit à l’image en l’occurrence. L’article 9 du Code civil indique que « le droit au respect de la vie privée permet à toute personne de s’opposer à la diffusion, sans son autorisation expresse, de son image, attribut de sa personnalité » (CA Lyon, 27 janvier 2005). Une publication illicite pourra engendrer un préjudice pour toute personne et à fortiori si cette publication concerne une personne célèbre mais cela peut se compliquer lorsque la personne en cause a l’habitude de voir son image utilisée dans les médias et a choisi cette médiatisation.

Certaines personnes sont photographiées à leur insu alors que d’autres sont consentantes.

Si la captation d’image se fait à l’insu de l’intéressé et qu’il s’agit d’une personnalité, il peut alors légitimement prétendre au respect de sa vie privée même en dehors de son domicile et dans un lieu public, lorsque celui-ci est isolé. Dans l’affaire de la princesse Caroline Von Hannover, la Cour Européenne des droits de l’homme, a retenu que la princesse, sujet des clichés litigieux se trouvait dans un lieu « dans lequel la personne concernée se retire dans le but objectivement reconnaissable d’être seule, et dans lequel, se fiant à son isolement, elle se comporte de manière différente de celle qu’elle adopterait en public » (arrêt du 24 juin 2004).

La presse entend parfois justifier la publication de clichés de personnalités publiques parce qu’ils participent à un phénomène d’actualité et qu’il existe un « besoin social impérieux » (articles 6.1 et 10 de la convention européenne des droits de l’homme). Mais des photographies d’un célèbre footballeur français et de sa compagne lors d’une manifestation sportive ont été considérées comme portant atteinte au droit au respect de la vie privée et au droit à l’image de ces derniers (arrêt de la Cour de cassation de 2004) puisque la vie sentimentale de personnalités n’entre pas dans un débat d’intérêt général ou dans un phénomène d’actualité. Il s’agissait de clichés pris « au tournoi de tennis de Monte-Carlo, à l’insu des intéressés avec un cadrage les isolant du public environnant, ont été publiées et divulguées sans leur autorisation, sans que la société Hachette Filipacchi associés puisse se prévaloir du caractère public du lieu où les photos ont été prises pour invoquer une renonciation quelconque de M. X… à ses droits » (Cass. civ. 2ème 10 mars 2004).

Mais des personnes acceptent d’être photographiées ignorant que leur image va être exploitée par la suite à des fins commerciales alors que d’autres ont conscience, de cette exploitation commerciale.

Ainsi, une personne photographiée avait posé pour un photographe mais ne s’attendait pas à voir son image reproduite sur des cartes postales. La Cour d’appel de Paris a condamné le photographe qui avait caché sa qualité de professionnel à son modèle (CA Paris, 22 mars 1983).

Une salariée ayant posé pour des photographies prises par son employeur a pu obtenir indemnisation car celui-ci a utilisé ces clichés pour illustrer son site internet. Le juge considère que « Le seul constat de l’atteinte au droit de chacun de s’opposer à la publication ou à la diffusion de son image, sans qu’il y ait lieu de s’expliquer davantage sur la nature du préjudice qui en résulte ouvre droit à réparation sur le fondement de l’article 9 du Code civil » (CA Lyon, 27 janvier 2005). Bien sûr l’indemnisation sera plus élevée si la photographie est outrageante et qu’un préjudice est démontré.

Mais cela va plus loin, en effet dans le cas où une personne accepte de poser en sachant que son image va être exploitée à des fins commerciales ou publicitaires peut demander réparation si l’exploitation réalisée dépasse le cadre de ce qui était convenu à l’origine des clichés. Le juge français considère que la personne photographiée dispose d’un droit de destination sur son image.

Si l’on accepte d’être photographié sans rémunération et en connaissant l’utilisation qui va être faite de son image ne pourra ensuite demander une indemnisation sur son droit à l’image. Une salariée qui, à l’occasion du conflit avec son ancien employeur suite à son licenciement, avait demandé au Conseil de prud’hommes de lui allouer la somme de 5 000 euros du fait de l’utilisation de son image sur les plaquettes commerciales de la société. Le Conseil de prud’hommes qui avait donné droit à cette demande a été contredit par la Cour d’appel de Versailles au motif que la société « avait pris l’initiative de recueillir l’autorisation préalable de tous les salariés dont les photos figuraient sur les supports de communication et qu’elle ne pouvait donc ignorer que sa propre image allait être exploitée » (CA Versailles, 2 mars 2011).

Un barman qui avait accepté d’être filmé pour un spot publicitaire destiné à des salles de cinéma fut débouté de ses demandes d’indemnisation ne pouvant démontrer de préjudice moral ayant consenti au tournage (CA Lyon, 27 janvier 2005). Mais le fait d’avoir participé au tournage ou à une séance photo ne traduit pas forcément son consentement à l’exploitation car une autorisation préalable écrite, expresse et spéciale du sujet reste nécessaire (TGI Nanterre, 24 novembre 2011).

 

Alain Kaiser