La première question tient d’abord à l’existence de ces savoir-faire, la deuxième question concerne la transmission de ces savoir-faire au cessionnaire.

A- L’existence des savoir-faire 

Les outils juridiques pour valoriser les savoir-faire sont rarement développés et pratiqués dans les entreprises, même si dans la pratique, les savoir-faire technologiques représentent la majeure partie des investissements en R&D. Peu d’actifs technologiques sont en réalité protégés par des brevets (estimé à environ 3% des investissements en R&D).

Or dans la situation de cession d’entreprise, il est essentiel de pouvoir mettre en évidence la valeur de ces savoir-faire, et si on ne peut pas l’acheteur aura beau jeu de faire baisser le prix de cession.

Et pour faire apparaître cette valeur des savoir-faire, il faut bien sûr pouvoir prouver leur matérialité et leur existence, le fait qu’ils sont bien réels. Parfois, la notoriété de l’entreprise suffit et il sera alors juste nécessaire de vérifier que les salariés essentiels ne partent pas au moment du rachat.

Mais le savoir-faire de l’entreprise n’appartient pas aux salariés, et pour exister juridiquement il doit être substantiel, formalisé et tenu secret…Dans la plupart des cas de cession d’entreprises, il est nécessaire de prouver que ces savoir-faire répondent à ces critères pour révéler leur valeur.

Voici un aperçu de ces outils pour vous aider à y voir plus clair et sécuriser vos investissements et surtout vous permettre de prouver que vos savoir-faire sont bien réels et qu’ils ont bien la valeur que vous en demandez :

  1. L’enveloppe scellée : il s’agit d’une enveloppe déposée chez un tiers de confiance, notaire huissier, IESF ou autres tiers de confiance qui vont conserver le document jusqu’à ce que vous leur demandiez de le remettre au moment où vous en aurez besoin, cette solution peut coûter cher si vous avez de gros volumes et de nombreux séquestres à réaliser.
  2. L’enveloppe soleau : L’INPI propose désormais ce service qui correspond à une enveloppe scellée comme ci-dessus mais en version électronique, peu cher pour un petit nombre de dépôts mais ne permet pas d’effectuer de gros et nombreux dépôts.
  3. LabLock : il s’agit d’un outil en ligne qui vous permet de faire la preuve d’un contenu et d’une date, comme les outils ci-dessus mais la preuve est fournie sans intervention humaine puisque c’est la blockchain qui organise le séquestre automatiquement, lors du dépôt en ligne d’un document, le système vous rend un code, vous pourrez par la suite prouver que le document présenté à un tiers correspond exactement au document séquestré à l’origine (peu de limites de volumes ou de complexité et peu cher). Cet outil en outre permet en cas de collaboration avec d’autres entreprises ou organismes de déterminer dans un projet l’origine de savoir-faire élaborés à plusieurs et de bien séparer les propriétés et titularités.

  4. Pour le logiciel qui fait souvent partie du package de savoir-faire transférable ou le plus souvent intégrant les connaissances métiers :
    • L’APP : vous déposez votre code et pouvez ensuite vous le faire officiellement restituer au moment du transfert ;
    • Logitas qui procède à des dépôts et à la conservation de logiciels dans leur environnement à la date du dépôt ce qui permet ensuite de garantir le bon fonctionnement du logiciel car il est dans son environnement d’origine.

B-Voici maintenant un aperçu des outils de transfert de vos savoir-faire au cessionnaire :

  1. La Black Box : des experts consultent une data room accessible à eux seuls et mise à disposition par le cédant dans le secret, ces experts confirment et valident ensuite au cessionnaire le périmètre et un descriptif générique des contenus.

  2. Le plan de formation et de transmission : on prévoit au contrat de transmission un délai et des ressources pour transmettre les savoir-faire ce qui implique aussi un étalement du paiement du prix, si la divulgation a lieu trop tôt, l’acquéreur peut repartir avec le savoir-faire sans acheter mais il doit aussi être rassuré sur le fait que le savoir-faire existe et sur son périmètre de façon à ce qu’il puisse par la suite exploiter correctement les actifs acquis. On voit aussi souvent le cas où l’acquéreur après avoir bénéficié de la divulgation demander une baisse du prix restant à verser au motif qu’il connaissait déjà certains des savoir-faire transmis.
  3. Data room : accessible seulement à quelques acquéreurs potentiels après un tri sélectif et des éléments à divulguer, mais même sous accord de confidentialité avec engagement de ne pas utiliser les savoir-faire révélés, mieux vaut stratifier les informations et présenter plutôt les résultats obtenus grâce aux savoir-faire que d’en révéler les réels contenus, car en pratique il sera difficile à un acquéreur ayant eu accès à des savoir-faire de les oublier il est difficile de désapprendre.

Alain Kaiser